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CAPOEIRA: "Ginga do Corpo Negro"
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24 mars 2005

L'abolition de l'esclavage, la République et l'Estado Novo

L'abolition de l'esclavage, la République et l'Estado Novo


L'abolition de l'esclavage

En 1870, on comptait encore 15% d'esclaves au Brésil. Mais l'arrivée de centaines de milliers de travailleurs italiens et allemands allait en dix ans mettre à mal les bases du système esclavagiste. En effet, le salariat semblait à la fois plus sûr et plus rentable que le travaille servile, d'autant plus que la communauté afro-brésilienne se montrait de plus en plus revendicatrice et rebelle (sans compter le fait que l'on prenait les africains pour des retardés, donc bien moins efficaces que les européens). Les livres d'histoire brésiliens ont volontiers retenus les noms des grands abolitionnistes blancs comme Ruy Barbosa ou Joaquim Nabuco, et un peu moins ceux des noirs comme André Rebouças ou Luís Gama ; " mais l'action de l'homme de la rue (fut) encore plus déterminante. Les Caifazes de São Paulo avec à leur tête Antônio Bento (facilitèrent) la fuite des esclaves. Le quilombo de Jabaquara finit par regrouper jusqu'à 10'000 âmes "(Bachmann [1990]). Les capoeiristas s'engagèrent également dans la lutte pour l'abolition. On relate qu'en 1884 certains d'entre eux libérèrent des esclaves jusque dans les maisons de leurs maîtres et attaquèrent des trains dans le même but. Face à tous ces événements, la police ne savait plus où donner de la tête et se désolidarisa des propriétaires d'esclaves en refusant de rechercher les fugitifs.

En 1885, tous les esclaves âgés de plus de 65 ans (!) furent déclarés libres et… abandonnés à leur sort ; puis en 1888, alors que Dom Pedro II était en voyage, la princesse Isabel demanda le 7 mars à Alfredo Correia Oliveira de diriger le gouvernement. A partir de cet instant, tout se précipita ; le 3 mai la princesse déclara que le catholicisme et le libéralisme étaient incompatible avec l'esclavage, et enfin, dix jours plus tard, elle signa la loi Áurea qui l'abolit définitivement. Il est vrai qu'à ce moment il ne restait plus que 5% d'esclaves dans le pays. Il nous faut encore préciser que la campagne abolitionniste ne fut pas une campagne en faveur des noirs ; elle le fut surtout en faveur du travail libre. D'après Bachmann (1990), " en 1882, on dénombrait déjà quatre fois plus de chômeurs noirs que d'esclaves (…) Il ne (restait) plus qu'à gommer l'Africain de l'Histoire du pays (…) Le noir (quittait) la senzala, la grande case des esclaves pour le bidonville et la capoeira, le canavial pour les faubourgs malfamés " .

La République des coronels

En 1889, Dom Pedro II fut renversé par l'armée et celle-ci proclama la mise sur pied d'une république fédéraliste ; mais la réalité du pouvoir appartenait en réalité à l'oligarchie bien pensante qui contrôlait la terre et les hommes. Le gouvernement de l'époque, à travers la circulaire No 29 du 13 mai 1891, ordonna la destruction des archives se rapportant à la période de l'esclavage.

Cependant, la nouvelle république était de nature fondamentalement conservatrice, et là où l'Empire avait échoué elle entendait réussir, notamment en faisant disparaître la capoeira. Deux mois à peine après la prise du pouvoir, le maréchal Deodoro confia à Sampaio Ferraz la charge des services de police et lui laissa toute latitude dans son combat contre les capoeiristas. Le Code Pénal de la République des Etats-Unis du Brésil parut le 11 octobre 1890, dont le chapitre XIII s'intitulait " dos vadios e capoeiristas " (des vagabonds et capoeiristas). " L'article 402 (interdisait) les rodas publiques et les regroupements. Il (défendait) aux valentões de se promener armés ou de porter sur eux quelque objet assimilé à une arme ce qui (incluait) le berimbau souvent pointu quand il n'(était) pas surmonté d'une petite faucille. Les peines prévues (allaient) de deux à six mois de prison. Elles (étaient) doublées s'il (s'agissait) d'un dunga c'est-à-dire d'un chef de bande " (Bachmann [1990]). L'article 403 prévoyait la perpétuité (peine maximale) en cas de récidive. Enfin, l'article 404 condamnait automatiquement un capoeirista accusé d'homicide à la réclusion à vie. Puis, " trois ans plus tard, le gouvenement (autorisa) la création d'une colonie pénitentiaire à Boa Vista, Paraíba. On (avait) plutôt ciblé la clientèle : les vagabonds, capoeiristas, mendiants et autres fauteurs de troubles. En résumé, tout ce qui (était) noir et ne (restait) pas à sa place "(Bachmann [1990]).

A cette époque, de nombreuses bandes de capoeiristas régnaient sur les rues de la capitale et s'opposaient souvent aux forces de police. Les plus connues étaient les Guaiamus, les Nagoas et en particulier la Frente Negra. Cette dernière fut fondée par José de Patrocínio, un célèbre abolitionniste noir, dans le but de sauver la monarchie en péril. En effet, nombre d'anciens esclaves éprouvaient un sentiment de gratitude à l'égard de la princesse Isabel et s'inquiétaient de l'arrivée au pouvoir de l'armée. Au départ d'inspiration maçonnique, la Frente Negra finit par se servir de la violence pour défendre ses idéaux et s'appela dès lors la Société de Bienfaisance Isabel, la Rédemptrice ; cette organisation regroupait de nombreux capoeiristas et autres " délinquants ". Lorsque le 30 décembre 1888 les antimonarchistes se réunirent dans la salle de la Société Française de Gymnastique de Rio, des capoeiristas interrompirent brutalement la réunion en tuant une dizaine de républicains. Cet événement fit notamment dire à Joaquim Nabuco, cité par Bachmann (1990) : " Je n'aurais jamais pensé que nous eussions une guerre civile après l'abolition. Les Républicains aujourd'hui ne pensent qu'à tuer du Nègre (…) Ce que l'on réclame maintenant c'est l'extermination de toute une race et vu que celle-ci est très courageuse, il s'en suivra une lutte des plus sanglantes ".La fin de l'esclavage ne mit pas un terme au mépris et à la marginalisation de la communauté afro-brésilienne, et c'est assez paradoxalement que dans les premiers temps de la République de nombreux affranchis se mirent à regretter leur ancienne condition. Ainsi, Gregório Bezerra, cité par Bachmann (1990), nous offre le témoignage d'un vieux contremaître noir qu'il avait rencontré vers 1910 : " Il avait été esclave et maintenant c'était encore pire. Il regrette cette époque-là car selon lui, il mangeait tous les jours de la viande, de la farine et des haricots noirs... Aujourd'hui, il mangeait à peine une assiettée de bouillie de maïs avec du sel et de l'eau… " .

L'Estado Novo

Durant les années 20, la République eut à faire face à de nombreux problèmes : grèves ouvrières à São Paulo, expulsions d'anarchistes et de socialistes, la plupart italiens, etc. Mais à Bahia le gouvernement avait d'autres préocuppations ; on décida une fois de plus d'y éliminer la capoeira, comme cela avait été le cas à Recife ou à Rio, deux villes où la répression fut particulièrement efficace. Pedro de Azevedo Gordilho fut nommé chef de la police et avait l'habitude, avec l'aide de sa police montée, de faire violemment irruption dans les rues de Salvador pour y empêcher entre autre les rodas. Les capoeiristas en vinrent à inventer un rythme de berimbau spécifique pour annoncer son arrivée et s'enfuir : la cavalaria (cavalerie).
En 1930, la crise économique entraîna la chute de la République et Getúlio Vargas accèda au pouvoir ; à partir de 1937, il devint dictateur pour six ans. " Parallèlement un mouvement noir organisé (émergea) à São Paulo. Pour la première fois une presse afro-brésilienne (vit) le jour. Le Xantu, le Menelik, l'Alfinete ou le Tamoio (étaient vendus) librement, même si les journalistes, eux, (préféraient) encore écrire sous des pseudonymes "(Bachmann [1990]).

Le 16 septembre 1931, la Frente Negra d'Arlindo Veiga dos Santos fut fondée ; cette dernière n'avait rien en commun avec la précédente. En effet, son but était d'organiser l'élite de la communauté noire afin de la faire respecter par la police, et elle y parvint. En 1936, forte de sa popularité (elle possédait des fédérations dans tout le Brésil), la Frente Negra décida de se constituer en parti politique. Mais l'instauration de la dictature par Getúlio Vargas et l'installation de l'Estado Novo en décidèrent autrement. C'est alors qu'une fois de plus la répression s'abattit avec une violence particulière sur la communauté noire ; on se mit à surveiller les terreiros de samba, le carnaval…

Paradoxalement, c'est durant cette période que l'on reconnut officiellement le Centre de Culture Physique Regional de mestre Bimba. Avec cet événement, la capoeira fut en quelque sorte légalisée et commença peu à peu à sortir de la clandestinité.

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